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Décès Hadrien Saïag (1985-2021)

par Chrystèle Guilloteau - publié le


Chers.ères collègues,
Chers.ères ami.e.s,

C’est avec une immense tristesse que nous vous annonçons que notre cher collègue et ami Hadrien Saïag nous a quittés ce jeudi 30 septembre à 16h, à la suite d’une longue maladie. Cette terrible nouvelle nous est insupportable, compte tenu de l’affection et de l’admiration que nous éprouvions pour l’ami et le chercheur, mais aussi à cause de l’injustice et de la révolte que nous ressentons face à un départ si précoce. Sa vie a été riche et intense, remplie d’humanité, d’altruisme, de passion et d’un engagement total dans son travail, jusqu’aux tous derniers moments.
Nous adressons nos condoléances les plus sincères à sa famille et à ses proches, avec une pensée pour tou.te.s ses collègues du CNRS, de l’EHESS, de l’IRD, des Universités françaises, de l’Université de Genève, d’Argentine et d’ailleurs, ainsi que pour ses nombreux.ses ami.e.s, comme le groupe historique des usagers de la bibliothèque de la FMSH, à qui Hadrien a toujours su témoigner une amitié sincère et généreuse.

Né en 1985, Hadrien a soutenu sa thèse de doctorat en sciences économiques en 2011 à l’Université Paris Dauphine sur la pluralité du fait monétaire en Argentine, et plus particulièrement sur le trueque. Après un post-doctorat à l’Université de Pretoria dans le cadre du programme de la Human Economy, il a été admis au CNRS en 2013 en tant que chargé de recherche (section 38 - Anthropologie). Il a ainsi pu développer son profil d’anthropologue économique en rejoignant l’Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain (IIAC) au sein de l’EHESS, où il s’était tout dernièrement investi avec enthousiasme, malgré la maladie, dans une dynamique de reconfiguration institutionnelle et scientifique.
Sa contribution exceptionnelle aux débats novateurs sur le fait monétaire comme produit par les rapports sociaux a été reconnue et récompensée notamment par le prix du jeune auteur de la Revue française de socio-économie. Il a publié l’ouvrage Monnaies locales et économie populaire en Argentine (2015, Karthala) et de nombreux articles dans Revue française de socio-économie, Économie et sociétés, Sociétés politiques comparées et Economy and Society.

Ces dernières années, alors qu’il luttait contre les soubresauts d’une maladie tenace et cruelle, il a développé sa recherche autour de l’articulation entre l’évolution de la protection sociale argentine et le boom du crédit à la consommation destiné aux personnes sans revenus fixes, notamment dans le cadre d’un séjour de visiting à l’Université de Genève. Il était d’ailleurs en train d’élaborer et de mettre en place le projet d’étudier les formes de financiarisation de l’endettement en Suisse et dans la France voisine. En Europe et pendant tout le temps de sa maladie, le terrain argentin a néanmoins toujours été présent dans son esprit et dans ses envies. L’un de ses plus chers désirs, nous a-t-il confié, était de retourner en Argentine pour élaborer une histoire économique de l’endettement dans les milieux populaires, en expérimentant des écritures à la lisière entre langage scientifique et littérature à partir de trajectoires biographiques. Son œuvre reste inachevée, mais continuera à irriguer les débats scientifiques et perdurera par la mémoire de ses collègues.

Nous perdons un ami et un compagnon cher, une âme à l’humanité et au cœur immenses, un esprit vif et curieux, un collègue passionné et passionnant. Certain.e.s d’entre nous perdent bien plus qu’un collègue de bureau ou de laboratoire, un ami qui a toujours contribué et œuvré pour faire de nos institutions, de nos lieux communs et de nos pratiques de recherche des espaces humains et amicaux, surtout pour les précaires et les jeunes étudiant.e.s, et pour faire du travail du.de la chercheur.se un acte au service d’un monde meilleur. Il s’en va injustement trop tôt, après des années d’épreuves physiques et morales pendant lesquelles il n’a pas arrêté de penser à aller de l’avant et à se projeter à nouveau de tout son être dans son travail, envisageant la relance de ses terrains et de ses projets d’écriture.
Il restera présent en nous, dans le cœur et la pensée, dans nos espaces de travail, tout comme au sommet de ses montagnes chéries et sur ses terrains argentins au-delà de l’océan.

Nous vous tiendrons informé.e.s dès que possible de la date et du lieu de ses obsèques.
Avec d’autres collègues proches d’Hadrien, comme Solène Morvant, Bruno Theret, Jean-Michel Servet et d’autres, nous sommes en train de recueillir des messages et témoignages à transmettre ensuite à la famille. Les collègues et ami.e.s d’Hadrien sont invité.e.s à contribuer.

L’ensemble de l’IIAC et de ses collègues s’associent à la douleur et au chagrin de sa famille et de ses proches.

L’équipe de direction pour ses collègues et ami.e.s de l’IIAC