Samedi 18 janvier 2020 – 14 : 00
EHESS (salle 8), 105 boulevard Raspail, 75006 Paris
Résumé
Ma thèse d’anthropologie religieuse, qui mobilise également des modèles de l’anthropologie de l’espace et du patrimoine, porte sur l’esplanade des Mosquées. Lieu de pratiques cultuelles inscrites dans le temps long de la religion, ce site est l’objet d’appropriations conflictuelles dans le contexte contemporain de Jérusalem et soumis à d’importantes contraintes spatiales. Il s’agit de mettre au jour les logiques de sa fondation et de sa pérennisation, mais également et surtout la façon dont il est vécu. Je propose de réexaminer la position de ce lieu saint central en islam, à partir de l’étude des pratiques, collectives ou individuelles, de l’ensemble des protagonistes qui l’investissent : le responsable religieux, l’employé de l’Administration des waqf-s, le résident palestinien de Jérusalem qui le fréquente quotidiennement, le pèlerin musulman étranger qui le découvre pour la première fois, le fidèle coupé du site, palestinien ou non, qui se le représente, le membre d’un mouvement politico-religieux engagé dans sa défense. Partant de ces expériences multiples qui peuvent paraître déconnectées, j’ai vu se construire pas à pas, au fil des observations, la variété des modalités de rapports au lieu saint. À travers une enquête ethnographique centrée sur l’esplanade des Mosquées, accompagnée d’importantes mises en contexte historiques, mon objectif est de saisir la fabrique du lieu saint en train de se faire, d’envisager ses frontières comme le résultat d’une élaboration en cours, d’appréhender des pratiques religieuses (la ziyâra, le ribât, la khutba) dont la définition évolue en fonction du contexte conflictuel, et enfin d’observer des processus de patrimonialisation de ce site, de ses rituels religieux (Ramadan, mawlid) et communautaires (mariages, funérailles), de ses traditions (Rocher, mi‘râj). L’esplanade des Mosquées est envisagée comme support identitaire et comme producteur d’identité, espace d’appartenance et d’appropriation, et par là comme un objet patrimonial pluridimensionnel, religieux et politique, individuel et collectif, local et universel. Suivant plusieurs échelles d’analyse, il s’agit d’interroger la capacité du lieu saint à fédérer, tout en incarnant des identités diverses.
Jury
Mme Sossie Andézian (Directrice de thèse), CNRS
Mme Sylvia Chiffoleau, CNRS
Mme Jocelyne Dakhlia, EHESS
M. Christian Décobert, CNRS
M. Cyril Isnart, CNRS
Mme Anna Madoeuf, Université de Tours