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Accueil > Le LAP > Activités scientifiques > Séminaires et enseignements de l’IIAC 2018-2019

Anthropologie de la « Mafia », pour une anthropologie politique du silence

par Nadine Boillon - publié le

Deborah Puccio-Den, chargée de recherche au CNRS ( IIAC-LAIOS )

2e jeudi du mois de 14 h à 17 h (salle A05_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 8 novembre 2018 au 13 juin 2019

Les théories du langage se sont interrogées sur la performativité des mots, mais peut-être pas encore suffisamment sur la performativité du silence : que fait-il ? Que permet-il de faire ? Ce séminaire se propose d’analyser cette question dans le domaine politique en utilisant l’exemple de la mafia italienne. Ce phénomène semble être marqué par le silence ou « omerta », pourtant peu de phénomènes ont suscité autant de littérature, de discours et d’exégèses. Nous commencerons par examiner ces productions, en les considérant comme partie prenante du terrain et de notre objet de recherche : un objet qui, par son incertitude ontologique et sémantique, engendre un questionnement perpétuel. Nous analyserons ensuite les formes de lutte et de résistance portant un double regard sur le mouvement Antimafia, d’un côté, et sur la justice antimafia, de l’autre. Nous verrons comment les militants du mouvement antimafia ont combattu la « Mafia » en produisant des traces de ce fait silencieux dont l’existence était sans cesse remise en cause, quel contenu ils ont donné au mot « Mafia » et comment l’institution judiciaire a, pour sa part, constitué des preuves de l’existence et du caractère criminel de la « Mafia », non sans impliquer la responsabilité de l’État. Les procès à la Mafia et les processus d’attribution de responsabilité pour des actes « mafieux », en faisant sortir la « Mafia » du silence, ont mis à l’épreuve les principes fondateurs du politique : que se passe-il lorsque l’institution politique perd sa fonction sémantique, et qu’au lieu de dire ce qui est, elle se tait, ou pire elle dit ce qui n’est pas ? Et comment dans ces conditions, par quels actes et actions, est-il possible de sortir du silence ? Pour répondre à cette dernière question, nous pénétrerons au sein de l’univers mafieux à travers des sources judiciaires et policières, des enquêtes et des entretiens réalisés avec les « repentis » de Cosa Nostra. Pour finir, nous poserons des questions méthodologiques : comment ethnographier des réalités sociales empreintes de silence, par quels types d’interactions, dans quelles situations ethnographiques et par quels dispositifs d’enquête, en interrogeant qui et quoi, et en faisant quel l’usage de la parole, du silence et du corps ? Quels sont enfin les enjeux de la restitution d’un savoir critique dans un espace social et politique où dire est déjà une action opposée au savoir-faire-taire de l’État ? C’est à partir de ces interrogations à la fois épistémologiques, méthodologiques et politiques sur la « Mafia » que nous essayerons de poser les bases pour une anthropologie politique du silence.