Langue des signes et pratiques artistiques
Andrea Benvenuto, maîtresse de conférences de l’EHESS ( CERMES3, PHS )
Julie Chateauvert, chercheuse postdoctorale EA 1569 Transferts critiques et dynamiques des savoirs groupe penser la traduction/Université Paris 8 ( Hors EHESS )
Barbara Fougère, doctorante à l’Université Panthéon-Sorbonne, Arts plastiques esthétique et sciences de l’art (APESA) ( Hors EHESS )
Ruth Kitchen, Lecturer in French Studies, University of Cardiff ( Hors EHESS )
Élise Leroy, maîtresse de conférences à l’Université Jean-Jaurès ( Hors EHESS )
Olivier Schetrit, contrat postdoctoral au CNRS ( CERMES3 )
Pierre Schmitt, doctorant à l’EHESS ( IIAC-LAHIC )
3e mercredi du mois de 18 h à 21 h (amphithéâtre François-Furet, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 16 novembre 2016 au 21 juin 2017. La séance du 16 novembre se déroulera en salle 13 (105 bd Raspail 75006 Paris). Journée d’étude le 21 juin, toute la journée (amphithéâtre François-Furet)
Le séminaire se déroule en visioconférence avec l’Université Jean-Jaurès et l’EHESS-Toulouse.
Le séminaire, issu d’un collectif de recherche transdisciplinaire, poursuivra l’analyse entamée depuis l’année dernière, d’un corpus d’expériences artistiques contemporaines ayant la langue des signes au centre de ces pratiques. Il se propose d’approfondir les enjeux esthétiques, linguistiques et politiques que l’usage des langues (vocale et signée) posent à ces créations (théâtre, « chansignes », « poésigne », « chorésignes », arts visuels ou toutes autres disciplines artistiques qu’elles soient conventionnelles ou innovantes et issues des langues des signes et de la culture sourde). Une attention particulière sera portée sur les questions de traductibilité lorsque les langues se rencontrent : comment la traduction linguistique prend-t-elle acte des modalités visuelles, kinesthésique et performatives des LS ? Comment la traduction culturelle opère-t-elle en-deçà ou au-delà de la traduction linguistique ?
Les études sur les sourds et la langue des signes, particulièrement dans le domaine de l’art, portent l’idée que les sourds sont des êtres visuels. D’autres avancent déjà l’idée que s’il est pertinent de se décentrer d’une approche logo et phonocentrique, la focalisation unique sur la dimension visuelle risque de nous faire échapper d’autres éléments importants et proposent de considérer la création (et par extension l’expérience du monde) comme étant intermédiale (Chateauvert, 2016). Les implications linguistiques, esthétiques et politiques de cette caractérisation, interrogent les significations de ce qu’on appelle aujourd’hui les Visual Studies. Ce séminaire sera l’occasion de faire dialoguer des chercheurs issus des domaines des Visual Studies et des Deaf Studies avec des artistes sourds et entendants, invités à présenter leurs propres travaux.
16 novembre : Introduction par Andrea Benvenuto et Elise Leroy
Avec la participation d’Anna Folchi, auteure (avec Roberto Rossetti) de l’ouvrage “Il colore del silenzio”, dizionario biografico internazionale degli artisti sordi, 2007, Electa Mondadori, Milano.
18 janvier 2017 : Art sourd en art visuel
Responsables de séance : Olivier Schetrit et Andrea Benvenuto
Les études sur les sourds et la langue des signes, particulièrement dans le domaine de l’art, portent l’idée que les sourds sont des êtres visuels. D’autres avancent déjà l’idée que s’il est pertinent de se décentrer d’une approche logo et phonocentrique (Lapiak, 2007), la focalisation unique sur la dimension visuelle risque de nous faire échapper d’autres éléments importants. Les implications linguistiques, esthétiques et politiques de cette caractérisation, interrogent les significations de ce qu’on appelle aujourd’hui les Visual Studies. Cette séance sera l’occasion de faire dialoguer des chercheurs issus des domaines des Visual Studies avec des artistes sourds invités à présenter leurs propres travaux.
15 février 2017 : Signes sur scène et traductibilité
Responsables de séance : Elise Leroy et Pierre Schmitt
Cette séance se propose d’aborder la question de la traduction en interrogeant les signes sur « scène », et les diverses « figures de l’interprète et de l’interprétation ». Il s’agira notamment de revenir sur les théories de l’« interprétation » présente aussi bien dans les théories de l’Art que dans les théories linguistiques (Umberto Eco, 1992, Les limites de l’interprétation) et les théories de l’interprétation en langue des signes – en lien avec la formation professionnelle des interprètes français (anglais) / langue des signes (ILS) et des traducteurs (sourds) français /LS. Les « ILS », les comédien-ne-s-artistes, les locuteurs-spectateurs-lecteurs seraient ainsi tou-te-s des « interprètes » de la langue. Un nombre important d’entendants travaillant avec les Sourds dans les domaines artistiques, notamment comme comédien-ne-s, sont également des « ILS ». Nombreux sont les traducteurs sourds développant une pratique artistique. Enfin, les comédien-ne-s-artistes en LS sont régulièrement confronté-e-s, à des degrés divers, à l’une ou l’autre dimension de la traduction – ou en tout cas, aux passages d’une langue à une autre. Au delà de cette question de la traduction et du travail de langue, les Performance Studies nous éclaireront afin d’identifier les « mises en scènes » de la langue des signes à l’œuvre dans toute « interprétation ». Nous interrogerons également dans quelle mesure Sourd, entendant, comédien-ne, ILS, si elles/ils interprètent le discours d’autrui, se font « auteur-e-s » des propos qu’ils/elles interprètent. Les parcours, expériences, réflexions et contributions de membres de la Compagnie Danse des Signes interviendront comme fil rouge de la réflexion engagée.
15 mars 2017 : Le corps dans la création
Responsables de séance : Olivier Schetrit et Julie Chateauvert
« Loin que mon corps ne soit pour moi qu’un fragment de l’espace, il n’y aurait pas d’espace pour moi si je n’avais pas de corps » disait Maurice Marleau Ponty. Dans le cadre de cette séance, réfléchissant aux conventions qui régissent la langue des signes, notamment ses critères linguistiques ou ses paramètres, nous nous demanderons quel espace y occupe le corps « créatif » ? Quelle est sa place ? Est-il seulement instrument au service de la grammaire où opère-t-il au-delà d’elle ? Ce corps, sur scène, produit-il sa propre création simultanément en s’autonomisant de l’œuvre interprétée ? De quelle manière la façon de bouger propre à chaque personne interagit-elle avec le ’texte’ ? De quoi est faite la ’signature’ d’une ou d’un auteur ? Le corps « créatif » peut-il être admis dans les contes et autres formes de narrations en langue des signes ou bien la LS avec ses conventions se suffit-elle en elle-même ou autrement dit : le déplacement, le mouvement dans l’espace, le geste font-il rupture avec une essence de la langue à préserver ?
19 avril 2017 : Les conventions artistiques et la traductibilité à l’épreuve de la langue des signes
Responsables de séance : Barbara Fougère et Elise Leroy
Même si le monde que nous présente le film (la diégèse) est au plus loin de la réalité, le cinéma a toujours cherché à cacher tous ses artifices. Les différents systèmes mis en place par le cinéma tendent donc à permettre au spectateur d’accepter de vivre une fiction comme s’il s’agissait de la réalité. Cependant dans « Les enfants du silence », « Miracle en Alabama » ou « La famille Bélier », le cinéma semble avoir du mal à conserver cette illusion intacte. En effet, la simple présence de la langue des signes dans ces films débouche sur une remise en question de ce qui est intra- et extra- diégétique. Ces films mettent tous en scène des personnages sourds s’exprimant en langue des signes ainsi que des personnages entendants signeurs qui réalisent une sorte de traduction simultanée pour le public entendant. La volonté d’un réalisateur à mettre en scène des personnages sourds signeurs sans oralisation se heurte à la problématique de l’accessibilité de cette langue pour le spectateur entendant. Ce choix de « traduction simultanée » rend floue la frontière qui sépare ce qui est intra diégétique (appartenant au monde de la fiction) de ce qui est extra diégétique. En effet, si le personnage – traducteur restitue à l’oral les dialogues signés, il ne le fait que pour le public entendant et non pour des personnages intradiégétiques. La facilitation de l’immersion dans la fiction du spectateur entendant -qui n’a même pas à sortir de la narration pour lire les sous-titres – se fait ainsi au détriment du spectateur sourd. Cette séance s’attachera à questionner ces tensions et à se demander si est-il encore possible de parler de dialogues intradiégétiques alors que la présence de ces « personnages traducteurs » met en avant l’artificialité de ces modes de dialogues « bilingues » ?
17 mai 2017 : Traductibilité et création intermédiale
Responsable de séance : Julie Chateauvert
Dans le cadre de cette séance, nous poursuivrons plus avant la réflexion concernant l’intermédialité des œuvres créées en LS. Nous nous interrogerons sur ce qu’une telle façon de les considérer dégage comme avenues conceptuelles pour l’élaboration d’une théorie de la réception et nous discuterons des possibilités ainsi ouvertes pour envisager une traduction d’une LS vers une langue orale (dans sa modalité vocale ou écrite)
21 juin 2017 : Journée d’études (9h – 18h)