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Accueil > Le LAP > Archives > Séminaires > Séminaires 2012 - 2013

Anthropologie politique : globalisation, race, État

Véronique Beneï, directrice de recherche au CNRS (TH), Jean-Bernard Ouedraogo, directeur de recherche au CNRS (TH)

par Maryse Cournollet - publié le

3e jeudi du mois de 15 h à 17 h (salle 11, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 15 novembre 2012 au 20 juin 2013.

Aujourd’hui, poussée par une irréversible ouverture globale, l’anthropologie politique a été conduite à renouveler son espace de questionnement habituel. Y intégrant des questions et problématiques contemporaines, elle s’interroge en particulier sur les dynamiques mondiales qui induisent de nouveaux rapports à ce que l’on a coutume de subsumer sous le concept d’État, ainsi qu’à des formes de pouvoir émergentes et au recours aux appartenances identitaires exclusives, notamment celles fondées sur la race.
On présente souvent la globalisation comme un phénomène plutôt récent, où les prérogatives de l’État-nation sont minimisées face à des flux migratoires de personnes, capitaux et technologies qui contribuent tous à produire de nouveaux régimes de gouvernance. La globalisation provoquerait ainsi un déplacement du politique vers de nouveaux espaces tels que les institutions internationales ou les acteurs globaux privés, induisant une transformation qualitative des formes d’exercice du pouvoir.
Loin de contester une certaine réalité empirique, et après avoir consacré les séances de l’an dernier aux lectures que nous pouvons faire de dynamiques globales actuelles à partir de certains auteurs "classiques", Le séminaire du Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (LAIOS) s’attachera cette année à ré-évaluer et ré-articuler cette opposition rapide entre « globalisation » et « État ». Il le fera en prenant ancrage dans un point de vue historique et théorique qui s’articule à une interrogation sur la notion de race, y compris dans son rapport à la colonisation et la formation d’anciens empires et État-nations européens.
Les autres séances aborderont plus directement la manière dont le politique se recompose à présent autour d’enjeux économiques, sociaux et environnementaux, de crises vécues à différentes échelles, de l’individuel au collectif, du transnational au national et au local, tant dans les lieux de sa visibilité accrue, que dans les marges où se recréent des espaces politiques. Le séminaire se veut ainsi le lieu d’un questionnement neuf dont l’issue n’est rien moins que la définition du monde contemporain qui se (ré-)invente sous nos yeux.

Programme :

Séance du 15 novembre  :
Intervenante : Carole Reynaud-Paligot (Centre d’Histoire du XIXe siècle, Paris I-Paris IV & Université de New York à Paris) : Racialisation des identités nationales : Allemagne, France, Grande Bretagne.

Alors que le débat sur l’usage de la notion de « race » resurgit aujourd’hui au sein du champ politique, les sciences sociales, trop longtemps restées à l’écart d’un tel sujet en France, peuvent apporter leur contribution, en proposant des études socio-historiques qui permettent une meilleure compréhension des processus de racialisation. Par étude des processus de racialisation, nous entendons l’analyse de la construction et de la diffusion des catégories raciales dans une société donnée et dans un contexte historique spécifique, afin de comprendre ce qui a permis à ces catégorisations de devenir crédibles, d’être considérées comme « réelles », objectives, partagées par une grande partie de la population1. Dans cette entreprise de fabrication de catégories, les caractères mobilisés ont pu varier (le phénotype, les origines, des caractéristiques sociales et culturelles2), les acteurs ont été nombreux (les naturalistes, les anthropologistes, les historiens, l’État, les médias, etc.) et les usages politiques tout autant, car ces catégorisations ont pu servir à affirmer et conforter les identités nationales tout comme les dominations coloniales et impériales mais aussi à légitimer des pratiques ségrégationnistes, discriminatoires et parfois exterminatrices.
Discutante : Véronique Bénéï

Séance du 20 décembre :
Intervenant : Jean-Michel Servet (Professeur d’études du développement à IHEID Genève) : Les monnaies du lien.
Discutante : Birgit Müller

Affirmer que les « monnaies primitives » sont un archaïsme peut être compris de deux façons. Soit elles sont un état premier et imparfait de nos propres usages monétaires supposés évolués. Soit elles sont l’expression d’une institution comparable aux langues et essentielle commune à l’ensemble des sociétés humaines. Ainsi comprises, ces monnaies peuvent nous éclairer pour repenser aujourd’hui l’institution monétaire de la société et contribuer à répondre aux impasses actuelles des formes actuelles dominantes de la finance. Inspirée notamment par l’œuvre de Karl Polanyi, faisant de la monnaie une institution universelle, cette interrogation actuelle sur la nature de la monnaie comme lien pose notamment la question de l’inaliénabilité de richesses communes et du partage ainsi que celle des limites de la figure du don pour comprendre la réciprocité. L’ambition de la réflexion est d’offrir des outils nouveaux pour la socioéconomie et de contribuer à la construction de l’économie solidaire comme issue théorique et pratique à la crise.

La séance du 17 janvier est annulée

 :

Séance du 21 février  :
Discutants : François Vatin (Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre)
L’espérance-monde. Essai sur l’idée de progrès à l’heure de la mondialisation.

"La notion de progrès est aujourd’hui bien décriée. On y voit les relents d’un "positivisme" ou d’un "scientisme" du XIXe siècle dépassés. Un tel point de vue n’est-il pas étroitement occidentalo-centré, alors des transformations géo-économiques d’une ampleur sans précédent se poursuivent à l’échelle du monde et que des masses d’êtres humains sont dans l’espérance d’accéder un jour au niveau de confort matériel atteint dans les régions du monde qui ont le plus tôt connu la "révolution industrielle". Il ne s’agit pas de nier les enjeux écologiques et sociaux présents, mais de les situer dans le temps long de l’histoire de notre civilisation et dans l’espace complet de son développement, qui est aujourd’hui la planète.

Tel est l’objet de l’"Espérance-Monde. Essais sur l’idée de progrès à l’heure de la mondialisation", paru en 2012 chez Albin Michel. A défaut de pouvoir embrasser en une séance de séminaire l’ensemble des thématiques évoquées dans l’ouvrage, j’aborderai la question par un retour sur les débats sur la division du travail et le machinisme, tel qu’il émerge au début du XIXe siècle et se répète, sans grand changement, tout au long des XIXe et XXe siècles. Un tel rappel montre que nos inquiétudes présentes ne sont pas nouvelles. Qu’une crainte récurrente sur les effets délétères de l’industrie et de l’économie de marché a accompagné toute l’histoire du développement de nos sociétés modernes."

Séance du 21 mars :
Intervenant  : Riccardo Ciavolella (LAIOS, CNRS) : Gramsci disputé en anthropologie politique et dans la théorie critique. De l’ethnographie des « nomades » aux mouvements sociaux actuels

Face au caractère « post-politique » des formes d’exercice de pouvoir issues de la globalisation et des mouvements sociaux émergent de nouvelles manières de penser le changement social qui s’inspirent de modes d’organisation politiques « autres », différents, inédites. Parmi ces figures politiques de l’altérité « subalterne » les « nomades » deviennent une source d’inspiration utile pour penser cet « autre monde » que l’on annonce possible, un monde de l’immanence politique, de l’auto-représentation, de l’encastrement du pouvoir. L’imagination anthropologique, surtout dans son versant anarchiste (James C. Scott, David Graeber) s’est montrée propice à penser ces formes de la politique encastrées dans la société civile ; la théorie critique et les mouvements sociaux actuels sont activement à la recherche de nouvelles propositions anthropologiques sur le politique. Le glissement des structures sociales aux résistances et à l’agency, ainsi qu’aux formes d’expression politique « par le bas », est partiellement en relation avec la proximité de l’anthropologie politique avec les cultural, les subaltern et les postcolonial studies. La pensée d’Antonio Gramsci occupe une place centrale dans ce débat, à la fois dans l’anthropologie politique et dans la théorie critique et les mouvements sociaux, mais ses interprétations sont souvent contrastées : certains voient dans ses conceptions une théorie de l’hégémonie culturelle absolue de l’État sur la société ; d’autres considèrent Gramsci, au contraire, comme l’inspirateur d’une politique d’émancipation à partir des formes de résistance, des cultures populaires et des philosophies spontanées des subalternes dans le champ de la société civile. En référence à mes propres recherches sur l’ethnographie des formes de résistance chez des populations d’origine nomade en Afrique, cette présentation interroge le rapport actuel entre anthropologie et théorie critique et plus précisément sur les interprétations et usages que l’on fait des théories de Gramsci dans une période où s’exprime une nouvelle « renaissance » de l’auteur en France et à l’international.

Séance du 18 avril  :
Intervenante  : Christelle Taraud (Columbia University of New York in Paris) :
Mixité sexuelle, prostitution et colonisation dans l’Algérie coloniale (1830-1962)
Discutant : Jean-Bernard Ouedraogo

La question de la sexualité en situation coloniale a longtemps été sous-estimée par l’historiographie contemporaine. La présente communication se propose de l’éclairer via deux de ses aspects les plus problématiques : la mixité sexuelle et la prostitution (civile et militaire) et ce à partir de l’exemple de l’Algérie coloniale (1830-1962).

Biographie :
Christelle Taraud est historienne, professeure d’Histoire du Maghreb à NYU en France et membre du centre d’histoire du XIXe siècle (Paris 1/Paris 4). Elle est, par ailleurs, auteure de La prostitution coloniale. Algérie, Tunisie, Maroc, 1830-1962, Paris, Payot, 2003 et 2009 ; et de « Amour interdit ». Prostitution, marginalité et colonialisme. Maghreb 1830-1962, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2012.

Séance du 16 mai  : Séance spéciale "Les doctorants du LAIOS" : Sabrina Melenotte et Naziha Aboubeker.

- Naziha Aboubeker (Doctorante IIAC/LAIOS)
Discutant : Eduardo Rodriguez-Martin

La fabrique d’un usager idéal ? Evaluation morale et contrôle de la "clientèle" : l’exemple des guichets de préfectures

La présente contribution est consacrée à la description d’un « monde de l’administration ». Elle s’intéresse, plus précisément, à l’activité de travail des fonctionnaires au guichet d’une préfecture, celle de ceux que l’on a appelés à la suite de l’ouvrage de MichaelLipsky : les « street level bureaucrats », c’est-à-dire les travailleurs qui sont quotidiennement en contact avec le public. L’ensemble des matériaux recueillis se fonde sur une enquête ethnographique menée au sein de deux préfectures françaises selon la méthode dite de l’observation participante. Au cours de cette enquête des observations ont été mené à l’intérieur de trois services administratifs : ceux de la Réglementation (il est composé du bureau en charge de délivrer des permis de conduire et du bureau des cartes grises) et celui en charge des Étrangers (premières demandes d’admission au séjour, renouvellement de cartes de séjours et dépôt des demandes d’asile). En suivantl’activité de travail des « street level bureaucrats », l’auteure va s’appuyer sur les formes les plus ordinaires de la rencontre au guichet. Les analyses s’attachent à décrire les scènes auxquelles donnent lieu ces rencontres, et à mettre en lumière le travail d’enquête qui s’y élabore et le travail normatif qui s’y trouve ainsi déployé.

- Sabrina Melenotte (Doctorante IIAC/LAIOS)
Discutant : Riccardo Ciavolella

L’après-massacre d’Actéal et le temps des victimes : enjeux catégoriels et concurrence des acteurs à San Pedro Chenalho (Chiapas, Mexique)

Cet exposé se concentrera sur deux chapitres importants de ma thèse qui portent sur le massacre d’Actéal qui eut lieu le 22 décembre 1997 dans la municipalité de Chenalho (région de Los Altos, État du Chiapas, Mexique) et sur "l’après-massacre". Il s’agira de saisir quelques uns des enjeux de l’interprétation postérieure au massacre. Celle-ci se fit en deux temps : lors de l’immédiat "après Actéal" qui fut marqué par l’emprisonnement des "auteurs matériels" et la diffusion de la version des survivants dans l’opinion publique depuis des sphères non-institutionnelles ; puis lors de la révision de l’affaire Actéal, dix ans plus tard, par un ensemble de nouveaux acteurs qui ont produit une nouvelle version du massacre qui s’accompagna de la libération de presque tous les accusés. Cette révision va introduire une nouvelle version du massacre ainsi que de nouvelles catégories de victimes qui vont entrer en concurrence avec les premières, et interroger dans le même temps l’utilisation locale de normes produites par le système de justice mexicain en profonde transformation.

Séance du 20 juin :

Pour des raisons indépendantes de notre volonté, le séminaire du LAIOS accueillant Keith Hart ce jour est annulé

Intervenant  : Keith Hart (University of Pretoria & London School of Economics) : The anthropology of unequal society and the struggle for economic democracy.
Discutant : Riccardo Ciavolella

This is an early draft of an essay for Annual Reviews of Anthropology (2014). Modern anthropology was born to serve the coming democratic revolution against the Old Regime. A government by the people for the people should be based on what they have in common, their “human nature” or “natural rights”. The great Victorian synthesizers, such as Morgan, Tylor and Frazer, stood on the shoulders of predecessors motivated by an urgent desire to make world society less unequal. Jean-Jacques Rousseau deserves to be seen as the source for an anthropology that combines the critique of unequal society with a revolutionary politics of democratic emancipation. The most impressive work coming out of the post-war American school was Eric Wolf’s Europe and the People without History (1982). But Claude Lévi-Strauss tried to redo Morgan in a single book, The Elementary Structures of Kinship (1949). Jack Goody has also engaged with world history, producing a score of books investigating why Sub-Saharan Africa differs so strikingly from the pre-industrial societies of Europe and Asia, with a later focus on refuting the West’s claim to being exceptional, especially when compared with Asia.

The bulk of the essay will consider how anthropologists today have responded to the current world crisis, in the process renewing the political struggle against unequal society and for economic democracy. Chief among them is David Graeber for his book, Debt : The first 5,000 years (2011) and now The Democracy Project (2013). My own work, from The Memory Bank (2000) to The Human Economy (2010), is in dialogue with his and has recently taken a political turn in revisiting the twentieth-century contrast between “reform” and “revolution” : hence my interest in charting a fresh course through this essay. At stake is the formation of world society on the ruins of national capitalism, a process sometimes known as “alter-globalization” or as the struggle for power between national governments and transnational corporations (Blim 2005). The greatest contradiction in contemporary capitalism is over intellectual property rights which takes the particular form of struggles for a digital commons. Gabriella Coleman leads the way here with Encoding Freedom (2013) and her ethnography of Anonymous.

The research program that I co-direct at the University of Pretoria (http://web.up.ac.za/humaneconomy) exposes me to world society from the perspective of the global South and Africa in particular. Young political anthropologists are breaking new ground in Southern Europe and elsewhere around the world. I hope to get more pointers to relevant reading on recent directions in anthropological research from this seminar. I will speak in English, but read and understand French.

Mots-clés  : Anthropologie, Coloniales (études), Genre, Politique, Savoirs, Sociologie,

Aires culturelles : Contemporain (anthropologie du, monde), Transnational/transfrontières,

Intitulés généraux :

Centre : IIAC-LAIOS - Laboratoire d’anthropologie des institutions et organisations sociales

Direction de travaux d’étudiants  : sur rendez-vous, par courriel.

Réception : sur rendez-vous, par courriel.

Niveau requis : master 1

Site web : http://www.iiac.cnrs.fr/laios/spip.php?article268

Site web  : http://www.iiac.cnrs.fr/laios/spip.php?article85

Adresse(s) électronique(s) de contact : v.benei(at)lse.ac.uk, jean-bernard.ouedraogo(at)ehess.fr