L’équipe SOGIP a le plaisir de vous inviter à la 5ème séance du séminaire « Perspectives comparatives sur les droits des peuples autochtones » 2013-2014
Séance : « Les indiens face à l’Etat »
Le jeudi 13 mars 2014. De 9 h à 13 h. En salle du conseil A, R -1, bâtiment Le France, 190-198 avenue de France, 75013 Paris. Ouvert à tous.
Dans l’ordre des interventions :
Raphaëlle Parizet (CERAPS/CNRS/Université Lille 2) - Une expertise normalisatrice. Les impensés sociaux et culturels de la mesure du développement.
Depuis une dizaine d’années, des indicateurs développement présentés comme « culturellement pertinents » sont élaborés au sein d’organismes internationaux comme le PNUD ou au sein d’agences nationales comme la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones (CDI) au Mexique. La « pertinence culturelle » des indicateurs est présentée comme un modèle d’action ancré dans la connaissance du tissu social qui traduirait une expression du « bien vivre ». Elle passe par l’utilisation et la transformation du savoir des sciences statistiques et sociales. Il semble en effet que la finalité des « indicateurs avec identité » comme pratique de ciblage renvoie à la construction d’une catégorie d’intervention de l’action publique.
Cette communication propose d’appréhender de manière critique la construction d’indicateurs de développement et considère deux d’entre eux élaborés au Mexique, l’Indice de développement humain – peuples autochtones (IDHPI) et l’Indice de retard social (IRS). Présentés comme alternatifs, ceux-ci s’avèrent des plus classiques et s’inscrivent dans une logique institutionnelle historique. Loin de ne renvoyer qu’à un seul discours « calculateur » de cadrage de la question autochtone, l’action néo-indigéniste passe par des instruments de gouvernement qui se traduisent dans des pratiques et des modalités concrètes de gestion des populations indiennes. En plus d’être une technique intellectuelle, ce sont des dispositifs de pouvoir qui constituent une des facettes de l’« art de gouverner » les populations autochtones, dans le sens où ils contribuent à les « façonner ». Si les savoirs experts sont présentés par leurs promoteurs comme traduisant une vision neutre et apolitique de la question autochtone, ils renvoient à une expertise normalisatrice et à une forme de production sociale du politique spécifique, celle du « vivre mieux » occidental, construite à partir des activités techniciennes de la CDI et du PNUD.
Alejandro Diez Hurtado (Pontificia Universidad Católica del Perú- enseignant invité IHEAL) : L´inter culturalité à l´œuvre dans l´État : Comment s´organisent les Ministères et ses programmes pour travailler avec les peuples indigènes au Pérou.
À la différence de ses voisins qui se déclarent plurinationaux (Bolivie, Equateur) ou multiculturels, (Colombie), le Pérou est censé être un pays interculturel depuis la Constitution de 1993. Ce qui signifie que l´existence de peuples autochtones n’est pas reconnue par la Constitution.. La notion d’interculturalité laisse supposer que la politique et les programmes de l´Etat tiennent compte des différences culturelles entre les citoyens et que pour cela, il faut les « transversaliser » pour les rendre applicables et effectives. Bien que le sens de la notion d’interculturalité soit à peu près clair, il n’en est pas de même avec son application. La communication portera sur les normes, les concepts et les programmes censés être interculturels dans quatre ministères qui travaillent avec des populations autochtones (Santé, Education, Justice et Inclusion Sociale). On essaiera de montrer les enjeux et les difficultés de comprendre l´interculturalité dans les programmes de l´État, les différentes manières d´insérer des considérations autour de cette interculturalité dans les structures institutionnelles et les tensions qui se développent à l´intérieur de celles-ci. Plus qu’un problème d’ordre théorique ou définitionnel, l’interculturalité apparaît comme une question d’ordre épistémologique, la manière de l’appréhender et la cohérence qui l’accompagnent étant plus problématiques que l’idée même d’une interrelation.
Renato Athias, Professeur du Département d’Anthropologie et Muséologie, directeur du Núcleo de Estudos sobre Etnicidade (NEPE) de l’Université Féderale de Pernambuco : Droits des autochtones et processus d’autonomie - Défis et problèmes actuels dans la démocratie brésilienne.
Selon les données statistiques (FUNAI, ISA, SESA) les amérindiens du Brésil forment actuellement 241 peuples parlant plus de 150 de langues différentes et regroupent selon le recensement de l’IBGE en 2010, environ 896 917 personnes (soit 0,47% de la population totale du pays). Parmi celles-ci, 324 834 vivent dans les villes et 572 083 dans les zones rurales, réparties en milliers de villages situés dans 691 Terres Indigènes, au nord et au sud du pays, une partie importante vivant en Amazonie à la frontière d’autres États nationaux. Cette présentation vise à analyser les principaux défis auxquels les peuples autochtones sont confrontés dans la mise en place de leurs droits au titre de la Constitution nationale de 1988, en regard des menaces émanant des lobbys économiques et politiques. Nous discuterons également de la dynamique qui s’est établie avec l’Etat et les différents ministères dans le processus de négociation et de défense des droits, les organisations indiennes agissant désormais directement sans passer par la tutelle de la FUNAI.
Sônia Guajajara, coordinatrice nationale de l’association, Articulação dos povos indigenas do Brasil (APIB)
En Europe pour participer au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies à Genève, Sonia Guajajara traitera du droit à la consultation des peuples autochtones face aux grands barrages en Amazonie, thème pour lequel elle a été invitée dans le cadre d’un side event organisé par la Fondation France Liberté Danièle Mitterrand, Amazon Watch et International Rivers.
Après les complexes hydroélectriques en cours de construction de Belo Monte et du rio Madeira, le Brésil prévoit la construction d’une trentaine de grands barrages en Amazonie d’ici 2020, dans le cadre de son programme de croissance accélérée. L’ampleur de ces projets menace de détruire d’immenses territoires et de déplacer de nombreux groupes indiens. Des entreprises françaises (GDF-Suez, EDF et Alstom) y sont impliquées.
Pour plus d’information : http://www.sogip.ehess.fr/