Réseau de l’EASA sur l’anthropologie de la Gouvernance Internationale
Coordination : Birgit Müller
Membres du Comité de coordination : Irène Bellier, Christina Garsten, David Mosse et Sue Wright
Les institutions internationales sont devenues centrales dans la restructuration néo-libérale de la gouvernance, tant au sein qu’au-delà de l’Etat-nation. Les organisations de la société civile et les représentants des communautés indigènes vont au-delà des frontières des Etats-nations pour négocier aux niveaux international, national et local, avec les institutions étatiques et internationales afin d’attirer l’attention sur des problèmes globaux. Les anthropologues ont commencé à examiner comment des normes diverses et souvent contradictoires sont produites et contestées à l’échelle globale, par des processus complexes de négociations formelles et informelles. L’international est entremêlé avec des processus locaux, et bien qu’il puisse chercher à produire un sentiment de transcendance, il est toujours concrètement localisé. Les pratiques de séparation et d’intégration sont centrales à ce processus, quand les acteurs internationaux se positionnent comme travaillant à une échelle autre que locale, tout en se réclamant d’une expertise quant à la situation "sur le terrain".
Ce réseau rassemble des anthropologues qui analysent les caractéristiques de la gouvernance internationale qui semblent partagées par toutes les institutions internationales. Leurs mécanismes de consultation et de contrôle, formulées en termes de partenariat, de transparence et d’accountability créent de nouveaux jeux de pouvoir dans le champ des politiques éthiques, redéfinissant les conflits politiques en termes de standards juridiques et moraux. Des narrations d’harmonie règnent dans les discours dominants, mais elles ne résolvent pas nécessairement les conflits sous-jacents puisqu’elles masquent les différentiels de pouvoir, de ressources et d’intérêts économiques. Les institutions internationales produisent des discours réifiés, des normes et des standards globaux qui mettent l’accent sur le consensus tout en créant des ambigüités de significations. Les anthropologues qui analysent la gouvernance international en sont arrivés à considérer ces institutions non comme des totalités confinées, mais comme des dispositifs, qui incluent constamment de nouveaux acteurs, en tant qu’experts, interlocuteurs et donneurs d’opinion, à travers des formes de calculs, de raisonnements techniques, de "construction de capacité" humaine, ainsi qu’avec des objets et des moyens non-humains.
Les anthropologues se sont proposé de lire rétrospectivement les documents produits par ces institutions, en les décrivant comme des assemblages de discours et de pratiques, suivant leurs trajectoires et leur histoire. Des narrations politiques cohérentes dans les institutions étudiées sont souvent produites sans plan d’ensemble, à partir d’un répertoire existant créé dans les sessions et réunions précédentes par une grande diversité d’acteurs de gouvernements, d’administrations internationales, d’ONG et d’entreprises. Des versions provisoires sont raffinées jusqu’à ce qu’elles deviennent acceptables et polissées, nettoyées de leurs éléments conflictuels et rendues "techniques". En analysant non seulement la vie sociale des documents dans les quartiers généraux des institutions internationales, mais aussi comment ils sont utilisés dans des projet sur le terrain, les anthropologues montrent comment des questions apparemment techniques sont re-politisées au cours de la vie des projets. Les chercheur-es rassemblés dans ce réseau souhaitent discuter des voies méthodologiques et conceptuelles permettant de comprendre les efforts mobilisateurs et normatifs des institutions internationales.
Le réseau s’est réuni une première fois à Paris en Mars 2008. Les 20 chercheur-es rassemblés ont alors débattu des défis méthodologiques ouverts par l’étude des institutions internationales : le rôle de l’anthropologue dans l’institution, comment étudier les circuits de pouvoir, la vie sociale des documents et les mots que les institutions utilisent et créent. Un second atelier était organisé lors de la Conférence mondiale d’Anthropologie sociale à Künming, qui n’a malheureusement pas eu lieu. Les chercheur-es membres de ce réseau se retrouveront à nouveau lors du colloque de l’AAA à Philadelphie en décembre 2009, et une conférence plus complète est prévue à Paris à l’automne 2010. Les coordinateurs organisent un échange des publications des chercheur-es participant au réseau et sont actuellement en train d’élaborer une petite base de données incluant de brefs CV et une liste des publications de chacun des 31 membres du réseau.
Ceux-ci souhaitent étendre le réseau au-delà de l’Europe et inclure des collègues non seulement des Etats-Unis, d’Asutralie et du Canada, mais aussi d’ASie, d’Afrique et d’Amérique Latine. Il s’agit donc à terme d’un réseau de l’EASA à vocation globale.
Contact : Birgit Müller
LAIOS CNRS/EHESS, 54 Bd. Raspail 75006 Paris
bmuller@msh-paris.fr